Cette journée de route démarre sous la pluie, mais les longues lignes droites à 75 mph à travers les forêts du Nord du Maine nous confirment bien que nous nous dirigeons vers le Canada. Plus de villes, les rares sorties d'autoroute mènent à des routes très secondaires, la démographie a vite chuté !
Camille conduit jusqu'à la frontière à Woodstock (pas celui que nous connaissons). Le passage à la douane, bien préparé par nous deux, se déroule finalement en 3 minutes, 5 questions banales et 2 tampons sur nos passeports. Bienvenue au Canada !
Je prends le volant, petite pause dans un Burger King, et traversons le Nouveau-Brunswick. Des forêts, des forêts, et des... Orignaux ! Les panneaux routiers l'annonçaient, nous en croisons un en bord de route et c'est plutôt costaud ! 
Les maisons, très rares dans cette province, arborent pour la plupart un drapeau qui n'est pas celui du Canada, mais très semblable au drapeau français, avec une étoile jaune sur la bande bleue. On nous dira plus tard qu'il s'agit du drapeau de l'Acadie, et en apprendrons davantage sur l'histoire de cette grande région, s'étalant au Canada et USA.
Nous arrivons à la houblonnière à Maria, sous le déluge, pas épuisés mais ravis de ne plus conduire. Joannie, une amie de nos hôtes, nous accueille. Seb, Sarah et leurs filles, Viviane et Eloise, arrivent dans la foulée. Le premier contact se fait très vite et je commence déjà à en apprendre sur l'exploitation, les méthodes, les périodes, et autres détails.
Nous découvrons notre chambre (lits séparés), bien meilleure que la précédente malgré l'état en travaux et la laine de verre apparente au plafond. Nous dînons dans la foulée, du "pâté" (quiche à la viande) !
On est vendredi soir, Seb sort son bar pour le digestif : de la chartreuse, du whisky à l'érable, de l'absinthe maison, etc... Au risque de paraître alcoolique, tout ça me rend heureux après 8h de route.

Samedi : Petit dej avec du beurre d'érable, c'est de la folie !
J'aide Seb à transporter une machine à bois qu'il veut vendre à un vide-grenier puis partons charger 300 kg de crottin de poule, qui serviront d'engrais bio pour le houblon. "On sent le chocolat, non ?" me dit-il une fois terminé. 
Plus tard, je monte une cage à lapins pendant que Camille aide Sarah à la cuisine pour la soirée de ce soir et le lendemain.
La dite soirée se passe chez des amis, dont la maison, nichée sur une petite colline au bord de la Baie des chaleurs, possède une des plus belles vues dont j'ai pu profité, grâce à une énorme fenêtre de la taille d'un mur, qui remplace la télévision. Champagne et foie gras, puis bières du coin. Je découvre les différentes saveurs à reconnaître, ainsi que les micro-brasseries de la Gaspésie.
Alex, un luthier, commence à jouer des sonorités qui me sont familières. Du Brassens ! Il joue, je chante le "Supplique pour être enterré sur la plage de Sète", l'émotion me gagne.
Nous terminons par "l'Ostie d'jeu", un jeu de société dont le but est de former les phrases les plus vulgaires et inappropriées possibles. C'est en québécois, on comprends pas grand chose, mais c'est Camille qui gagne ! Un demie-heure de flamenco hypnotisant joué par Jean-Philippe clôture cette excellent soirée.

Dimanche : Pleins d'amis du coins viennent aider à préparer la 3ème et dernière parcelle de houblon. Le petit déjeuner, composé principalement de bières, annonce la couleur de la journée. Nous passons 4-5 heures à monter les buttes et y mélanger du compost. Déjeuner = Quiches + bières. Seb étant satisfait que nous ayons tout terminé en une grosse matinée, propose que nous rejoignons les amis du jour au Farm Lake.
Je pars en pick-up avec Seb et Camille de même avec André, l'oncle de Seb, qui passera le trajet à lui raconter des histoires de chasse et d'ours, parfait pour Camille !
Au passage, nous passons devant chez Alex et l'embusquons avec nous.
Les bières défilent sur le trajet à travers des chemins forestiers successifs.
Le lac est sublime, vert émeraude, introuvable si on ne connaît pas quelqu'un du coin, et encore, même Alex ne connaissait pas. Les amis du jour se baignent, je fais du kayak sur le lac et Camille discute avec des chasseurs d'ours autour d'un gros feu de camp. L'après-midi passe et Seb ne se trouve plus tellement en état de conduire. Je prends le volant. André nous surprends en sortant de sous son siège une petite bouteille de Ricard, son carburant pour le chemin de retour. On s'arrête tous finalement vers 21h dans un resto pour manger une poutine, ma première. Bon, c'est que des frites et de la sauce... Alex, qui croyait que l'escapade ne prendrait que 2 ou 3 heures, commence à regretter d'avoir embarqué. On le dépose chez lui, tard, où 5 ou 6 chevreuils sont allongés dans son champ.

Lundi : Première vraie journée de travail faite désherbage en majorité, sous la pluie mais bien équipés. Nous traitons également les plans de houblon pour les maladies à venir dans l'été, le mildiou notamment. Joannie vient pour le dîner, et la soirée se termine avec les filles et les enfants qui dansent dans le salon.

Mardi : Camille désherbe toujours alors que je commence l'installation de la broche qui supportera le système d'irrigation de la 3ème parcelle.
Nous faisons de bonnes journées de travail, et pour nous remercier, Seb nous dit qu'il nous emmènera manger une "crème molle" ce soir. Nous allons chez le casse-croûte (restaurant) de Maria, si bien nommé "Mam'zelle Maria", et dégustons la fameuse crème, qui ressemble fortement à une glace à l'italienne.
Gratitudes supplémentaires de Seb, il nous donne des conseils sur la Gaspésie et le Québec et nous donne la journée de demain. On décide d'en profiter pour partir faire du canot sur la rivière Bonaventure.

Mercredi : Il fait très beau mais froid lorsque nous arrivons à Bonaventure. Nous nous équipons de combinaisons, chaussons et tout le bazar, et partons en bus à travers les chemins forestiers, où la déforestation poursuit sa lancée, jusqu'au point de départ de notre journée de canot. Beaucoup d'appréhension suite au speech du chauffeur, pour pas grand chose : Les 20 km de rivière seront magnifiques, en pleine forêt de sapin et sur une eau émeraude, mais sans aucun danger, ça secoue plus à Roquebrun. C'est le jour de l'ouverture de la pêche au saumon, et vu la réputation de la Gaspésie pour cette activité, les pêcheurs à la mouche sont au rendez-vous, sur leurs barques, avec bières et amis.
Nous rentrons à Maria pour le "5 à 7" hebdomadaire avec des amis, sorte d'apéritif dînatoire encore plus tôt que le dîner habituel.

Jeudi : Je commence l'installation du système d'irrigation pendant que Camille dépose le crottin de poule sur les plans de houblon. C'est la Journée de la Gaspésie, et la microbrasserie du coin, le Naufrageur, organise une soirée pour l'occasion où nous nous rendons. Nous y retrouvons les amis de dimanche autour de bières variées et délicieuses, et de nachos.

Vendredi : Camille enroule les branches de houblon sous la pluie et je commence à trouer les tuyaux d'irrigation et à y placer les goûteurs. Je casse la pince au bout de 2 trous, et me mets donc à tirer, avec André, les cordes qui serviront aux plans de la 3ème parcelle. André, en haut d'un échafaudage tracté par le "4 roues" (quad), les suspends et moi, en bas, termine de les attacher.  C'est génial de travailler avec André, les discussions plus ou moins sérieuses rendent l'atmosphère agréable et détendue. Pour le déjeuner, il décide d'aller faire "une course". Je pars avec lui faire cette course qui consiste à acheter des bières en pick-up sur les chemins forestiers. Je me régale !
Le dîner avec d'autres amis est encore surprenant, fait de fromage de chèvre local, de steaks d'orignaux, de têtes de violon (jeunes pouces de fougère), et croustade, que l'accent québécois transforme en "grosse tarte" aux oreilles de Camille, à la rhubarbe du jardin. Bar de Seb et digestifs, l'absinthe maison me mets KO, puis de même pour Seb.

Samedi : Des croissants au petit dej ! Dans la matinée, nous préparons l'arrivée des moutons de ce soir en installant la clôture électrique, et dans l'après-midi, Joannie nous emmène faire une rando dans les montagnes de Maria. Je termine les cordes avec André quand les moutons arrivent.
Nous partons demain pour Percé. Nous disons au revoir à André que l'on passera voir sur le chemin. Dernière soirée au Naufrageur, c'est de coutume.

Dimanche : Nous nous levons, prêts à partir. On monte au salon, personne. Sarah entre et nous dit que les moutons ne sont plus là ! Un coyote a dû les effrayer au point de les faire franchir la clôture. On part les chercher dans tous les sens, sans trop savoir, puis on les aperçoit au loin, dans un champ voisin. Avec l'aide de la voisine guérisseuse qui tente de les contrôler à distance tel un Jedi sur un esprit faible, et des amis, nous commençons la traque.
Les moutons passent de champs en champs car sans clôture, ou en mauvais état. Ça dure, il fait froid avec une pluie fine, et on a toujours rien manger. Arrivent les fournisseurs des moutons avec un gros chien de berger et les mères des moutons. Toutes les solutions sont infructueuses.
Camille nous apporte des sandwichs, et nous essayons une dernière tentative. En vain, ce sont des proies et ils agissent comme tels, ils parviennent à plier une clôture pour s'échapper encore. Au bout de 6h, les fournisseurs décident de laisser les maman dans une caravane ouverte, pour essayer de les faire revenir par eux-mêmes. Si ça marche, tant mieux, sinon ce sera une autre traque, au fusil cette fois-ci.
J'appelle André pour lui raconter et lui expliquer notre absence. La visite est remise à demain.
Poutines à livrer et tisanes de houblon pour terminer, "au revoir" à tout le monde, nous partirons VRAIMENT demain matin.